La furie de l’acier et du cuir

Répétons-le, lorsque vous attendez un film avec impatience, le mieux est d’en savoir et d’en voir le moins possible. Il en va ainsi de ce nouveau chapitre consacré à l’univers « Mad Max » du réalisateur George Miller. Mais avant de découvrir ce ‘Furiosa : une saga Mad Max’, il est recommandé de revoir le précédent volet ‘Mad Max : Fury Road’. Le plaisir n’en sera que plus grand.

Sur cette route de la fureur traversée par des tempêtes de sables titanesques, nous faisions les retrouvailles avec Max, le guerrier de la route, qui croisait le chemin d’autres êtres au destin fracassé. Et plus particulièrement celui de Furiosa (Charlize Theron), une femme qui, contrairement à Max le solitaire, mettait sa vie au service des autres. ‘Furiosa : une saga Mad Max‘ est le préquel de ‘Fury Road’ et s’intéresse à l’enfance et la jeunesse de cette survivante arrachée à sa famille. Furiosa est ici interprétée par Anya Taylor-Joy, l’une des meilleures actrices actuelles que l’on avait pu découvrir sur les grands écrans dans ‘The Witch’ en 2015, un talent qui s’est développé au fil des années et qui est devenu une évidence dans ‘Last night in Soho’ (2021) et ‘The Northman’ (2022). Des yeux immenses comme ceux d’un personnage de manga où se reflètent la fragilité et toutes les souffrances non-dites, mais une voix grave qui révèle une rage puissance, la jeune actrice est un choix parfait pour succéder à Charlize Theron. Anya Taylor-Joy (dans le numéro 52 mai-juin 2024 de La Septième Obsession) : « Le Wasteland est un endroit qui n’accorde aucune valeur à l’empathie, aux émotions, je n’avais donc que mes yeux, dans le masque guerrier de Furiosa, pour exprimer ce que je ressentais. Pour un acteur, c’est terrifiant, car notre métier consiste habituellement à nous exprimer en utilisant tout notre corps. Tout le monde me disait de faire confiance à George… et c’est ce que j’ai fait. » Face à elle, on découvre un Chris Hemsworth méconnaissable, transformé, maquillé et avec de faux airs d’Alejandro Jodorowsky ! L’interprète de Thor rappèle ici qu’il est un bon comédien, tout comme son collègue des productions Marvel Chris Evans dans le ‘Snowpiercer : le Transperceneige’ (2013) ou ‘A couteaux tirés’ (2019). Dans le film, Furiosa rencontre beaucoup d’hommes et tous ne sont pas des prédateurs ou des tyrans. Comme par exemple le guerrier/prétorien (les références à l’Antiquité sont nombreuses dans l’univers « Mad Max ») Jack, tout de cuir vêtu lui aussi et qui nous rappelle quelqu’un. Dans ce monde de l’après-apocalypse, même si de nombreuses crapules sont des hommes, ici il est question de luttes entre survivants plus que de guerre des sexes. George Miller (La Septième Obsession n°52) : « Je ne dirais pas spécifiquement que ce sont les femmes contre les hommes, mais c’est un individu contre un autre, l’un étant un homme, l’autre une femme. (…) Nous décrivons un monde dans lequel il y a une différence évidente entre le traitement imposé aux femmes et celui réservé aux hommes. »

Derrière un tel projet plein d’action et de drames, aux enjeux actuels, on retrouve encore et toujours l’inusable George Miller. Pratiquement 80 ans au compteur ! Et toujours la même énergie, la même passion pour nous raconter des histoires tragiques et de tôles fracassées. Le réalisateur australien avait présenté son premier « Mad Max » en 1979. C’était au siècle précédent. Et en 2024 il est toujours là, filmant des scènes d’action époustouflantes, donnant de véritables leçons de cinéma ! Un sens du spectacle prodigieux fait pour les grands écrans. Un respect du grand public (le film n’est pas tout public par contre, avec pas mal de violence et de plans sanglants, plus que dans le précédent ‘Fury Road’) et une foi inébranlable dans le pouvoir de l’imaginaire. George Miller est en effet un passionné de mythologies, un lecteur de Joseph Campbell, tout comme un autre George qui a consacré sa carrière à un univers se passant « il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine… ». George Miller reprend des motifs vus dans ses précédents films, des petits détails qui ne passent pas inaperçus lorsqu’on connait son univers. On pense à la petite boîte à musique brièvement actionnée dans le camion de ‘Fury Road’ et qui renvoyait à ‘Mad Max 2’, au blouson de Max et son épaulette de protection que l’on retrouve ici chez d’autres personnages, au fusil à canon scié, à ce plan d’une forme émergeant des sables… Autant de brefs clins d’oeil adressés aux spectateurs et qui s’ajoutent à une mise en scène toujours inspirée. Car le véritable coeur du film est là, dans la réalisation. Le film enchaîne en effet une quantité incroyable d’idées dans le choix des plans, des costumes, des décors, des mouvements, des cascades. Ce n’est pas le scénario qui surprend, il faut le reconnaitre. On est ici en terrain connu et il n’y a pas le même effet de surprise qu’avec ‘Fury Road’. Il est une fois encore question d’affrontements entre survivants organisés en places fortes. Le film propose une fois encore des attaques de convois, telles les attaques de diligences des westerns. Mais à chaque fois on se laisse entrainé par la force de ce cinéma toujours en mouvement. Le spectacle du chaos, le déchainement de métal hurlant, de cris, de fureur et l’étalage de chairs meurtries nous fascinent autant qu’ils nous effraient. Nous sommes à la fois plongés dans la tempête et spectateur d’un avenir possible terrifiant. Un peu comme cette silhouette toute de cuir vêtue et son véhicule V8 Interceptor en haut sur la colline…

5 commentaires sur “La furie de l’acier et du cuir

  1. Te voilà donc témoin ! Les routes en sablées qui mènent au Valhalla n’ont plus de secret pour toi. Je n’ai pas encore pris le volant au côté de Furiosa. J’espère pouvoir le néanmoins en profiter en salle, assurément le meilleur endroit pour entendre rugir les v8 de Miller. Ton article me montre le chemin.

    1. Que le Wasteland te soit miséricordieux !
      Sur grand écran et avec un gros son, histoire de mieux avaler la poussière. 🙂

      1. J’ai tout fait comme tu as dit, j’ai revu avant l’indépassable « Fury Road ».
        Je n’irai pas jusqu’à qualifier « Furiosa » de « Médiocre » comme l’aurait fait peut-être Immortan Joe dans l’épisode précédent, mais je ne suis pas sorti convaincu par cette histoire, ni par ces personnages (et je n’ai rien contre Hemsworth, mais il lui manque un peu de dinguerie, de maléfice dans le regard). Et puis personne ne remplace l’impératrice Theron.
        Dire que j’ai trouvé cela mauvais serait en revanche faire preuve d’une mauvaise foi démente. Miller est aux commandes et il tient le volant comme aucun autre. Grâce à sa mise en scène, qui il a nous emportera toujours au Valhalla sur les épaules d’Immortan Joe.

      2. C’est effectivement la mise en scène qui fait en grande partie l’intérêt de ‘Furiosa’. J’ai revu récemment toute la série des « Mad Max ». Des films que j’adore. Le troisième, ‘au-delà du dôme du tonnerre’, reste le moins enthousiasmant, un film étrange car il contient deux films en un : un grand public et un autre plus sauvage mais comme étouffé. Mais il y a de bonnes choses dedans. ‘Mad Max 2’ reste pour moi le sommet de cette saga, avec des cascades démentes filmées directement face à la caméra (!!!), sans aucun effet numérique contrairement à ‘Fury Road’ et ‘Furiosa’. Des époques différentes, des esthétiques différentes. Avec à chaque fois des variations passionnantes autour d’une même histoire et des mêmes personnages.

  2. Bon, désolé, les gars, mais je n’ai pas vraiment apprécié le spectacle que j’ai trouvé particulièrement lourdingue et sans nuance. 😉 Je n’ai pas avalé la poussière, pardon… la couleuvre. 😀

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