Benedetta : une histoire de Chair et de Sang

Lorsque le film commence, l’Italie du XVIIe siècle est parcourue par des gangs qui détroussent les voyageurs. Nul doute que ces mercenaires sont les frères d’armes de Martin (Rutger Hauer) qui, dans ‘La Chair et le Sang‘ (1985) et un siècle plus tôt, vendait son épée aux seigneurs de petits royaumes. Le Moyen Age et la Renaissance s’éloignent mais l’époque reste instable. Une enfant est placée par ses parents dans un couvent afin de consacrer sa vie à la Vierge Marie. Les années passent, la fillette devient une femme belle et intelligente, sensuelle et… sensible à des signes divins. Supercherie ou bien réels stigmates du Christ ? Mise en scène ou bien avertissement face au mal qui se répand sur le pays, à savoir la peste ? Ou bien un peu des deux ? Pas de doute, l’iconoclaste Paul Verhoeven est ici chez lui.

Dans ‘Benedetta‘, Verhoeven ne vient pas faire le procès de l’Eglise. Pas de film à scandale donc sur la Croisette. Nous ne sommes plus dans les années 1970. La belle et charismatique Benedetta Carlini connait une ascension spectaculaire au sein de son ordre en étant la proie de possessions et de visions. De plus, elle entretien une liaison passionnée avec une de ses Soeurs. De quoi en faire la proie idéale de toutes les jalousies et les frustrations qui s’accumulent entre ces murs. Dans un style toujours aussi démonstratif, le réalisateur de ‘Basic Instinct’, ‘Total Recall’ et ‘RoboCop’ se concentre encore et toujours sur les passions humaines. Tout en posant de petites interrogations telle que : aimer Dieu empêche-t’il d’aimer un homme ou une femme ? Pourquoi faudrait-il séparer l’amour physique et l’élan spirituel ? Ou bien encore : les Saints sont-ils des fous ou bien des êtres touchés par une puissance supérieure ? Là, Verhoeven ne tranche pas, il a bien sa petite idée mais tout comme avec le final de ‘Total Recall‘ (« Et si tout cela n’était qu’un rêve… »), il conserve une place pour le doute.

Le film bénéficie de moyens conséquents pour la reconstitution de cette époque, que ce soit dans les décors, les costumes, les figurants et le travail sur la lumière. Ce monde où règne encore la superstition et la très sainte Inquisition est parfaitement représenté à l’écran. Et pour donner corps à ses personnages, Paul Verhoeven poursuit son travail avec des comédiens francophones après le succès de ‘Elle‘. Virginie Efira est donc la nouvelle égérie du « Hollandais violent » et incarne avec justesse une femme forte portée par une conviction, guidée par la foi. Lorsqu’elle apparait blonde, vêtue d’une robe bleu royal ornée d’or, l’actrice marque l’écran de sa présence. Son jeu aurait mérité peut-être lui aussi de laisser entrer le doute, pour faire évoluer son personnage. En tout cas son travail lui permet de faire face sans rougir à une Charlotte Rampling qui n’a plus rien à prouver, mais qui incarne avec délice la Mère supérieure du couvent. On la retrouvera à la rentrée dans un rôle très proche dans le fameux ‘Dune’ de Denis Villeneuve (« Maudites sorcières Bene Gesserit ! »). N’oublions pas non plus Lambert Wilson dans le rôle d’un dignitaire de l’Eglise Catholique qui n’a pas oublié de profiter des plaisirs de la vie terrestre et que l’hypocrisie n’étouffe pas. Enfin et pour terminer il y a cette question qui vous brûle les lèvres : ça tend… Satan l’habite (Mocky sors de ces lignes !) ? Car oui, Paul Verhoeven fait parti aujourd’hui des rares réalisateurs qui savent filmer une scène de sexe de manière à la fois belle et excitante. Ça devrait être banal à écrire, mais notre époque étant propice aux procès connectés et autres appels à la censure, bref à un retour du puritanisme, il faut le souligner. ‘Benedetta‘ n’aurait jamais pu être produit aux USA. Pensez donc : la religion mélangée à du sexe et du sang ! Il n’y a que ces maudits Français et leur laïcité de malheur pour produire un truc pareil.

‘Benedetta’ était attendu depuis un moment. Il est enfin en salle, n’attendez plus, foncez !

3 commentaires sur “Benedetta : une histoire de Chair et de Sang

  1. Très bel article qui me remet en mémoire cette séance.
    Moi je suis rentré dans les ordres pas plus tard qu’hier soir et je peux affirmer que j’ai vu « doux » (sic) Jesus. Certes, ses apparitions ne sont pas les moments les plus habiles du film, mais quelle puissance il s’en dégage dans son ensemble, quel trouble. Du pur Verhoeven sur lequel je livre mon avis des demain matin.

    1. Merci. J’avoue qu’en sortant du film je ne savais vraiment pas ce que j’allais pouvoir en dire. Puis, de retour à la maison, j’ai fait le vide dans ma tête et les idées sont venues peu à peu tout en écoutant… un live de Gainsbourg. Quelle curieuse association. 🙂
      Je lirai ton avis sur ‘Benedetta’ avec intérêt.

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