‘The Mule’ : voyage sur les terres de Trump

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Earl est un charmant papy de plus de 80 ans. C’est un ancien combattant de la guerre de Corée qui cultive des fleurs superbes et, en vieux gentleman du Sud, il ne rate jamais une occasion pour faire un compliment à une dame. Par contre, le temps qu’il consacre à ses créations éphémères il ne le prend pas pour s’occuper de sa famille. Toujours occupé, sur la route entre deux conventions, la vie au foyer ça n’a jamais été son truc. Quand sa petite entreprise est mise en faillite face à la concurrence impitoyable d’internet, il accepte de servir de transporteur pour d’autres substances cultivées…

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Grand plaisir de retrouver Clint Eastwood devant (grande silhouette tremblotante et voix fragile, v.o. de rigueur !) et derrière la caméra (on oublie le ’15h17 pour Paris’ de l’an dernier). Et il revient entouré de sacrés acteurs : Bradley Cooper, Laurence Fishburne, Dianne Wiest, Andy Garcia, Michael Pena… Dans ‘The Mule/La Mule‘, en même temps que l’on suit le parcours du personnage traversant le pays au volant de son Pick-Up chargé de drogues pour les cartels mexicains, le réalisateur montre l’Amérique profonde comme il l’a déjà fait dans sa longue carrière, celle située entre les côtes Est et Ouest et qui a massivement voté pour Donald Trump. Ici, pas de complaisance ni de caricature. Le réalisateur filme à hauteur d’homme, injectant parfois des touches d’humour. Il ne regarde pas ses personnages de haut, à commencer par le personnage principal qu’il interprète jusque dans ses travers. Ainsi Earl, lors d’une scène, emploie-t’il le mot tabou « N-word/nègre » lorsqu’il rencontre un couple de Noirs à qui il vient en aide sur le bord de la route. Il s’agit ici moins de racisme que d’une sale manie héritée d’un milieu social et culturel, un tic de langage que l’on sort sans même penser qu’il peut blesser l’autre. De même que Earl, le « vieux mâle blanc », travaille et parfois se lie d’amitié avec des Mexicains ou des gars d’origine mexicaine. Des gens différents se rencontrent, il y a des échanges qui s’opèrent. Le vieux Earl (et à travers lui le républicain Eastwood) est bien plus complexe que la vision manichéenne véhiculée par certains médias ou universitaires et autres militants. Un individu n’est pas fait d’un seul bloc, il n’est pas aussi rigide qu’un mur dressé le long du Rio Grande. Cette vision complexe d’une Amérique qui a voté Trump, on la retrouve aussi par exemple dans le documentaire ‘We Blew It’ de Jean-Baptiste Thoret (récemment diffusé sur les chaînes Ciné+). Et dans les deux cas on apprécie cette volonté de s’intéresser à une population qu’on a vite fait de schématiser. Prendre le temps de donner la parole et d’écouter celles et ceux qui ne partagent pas vos opinions est toujours riche d’enseignements. C’est même précieux, car très rare (aux USA ou en France), actuellement où l’on assiste plutôt à des affrontements de positions qu’à des débats nuancés. Il n’y a pas le camp du bien d’un côté et celui du mal de l’autre (on pourrait demander à Edward Snowden ou aux rebelles Syriens ce qu’ils pensent d’Obama…). Et la position d’Eastwood est ainsi bien plus intéressante que celle d’un Spike Lee, toujours du « bon côté » puisqu’homme de couleur (même si son dernier ‘Blackkklansman’ a d’autres qualités), et plus en prise avec le présent qu’un Sylvester Stallone toujours figé dans la nostalgie (voir ‘Creed II’).

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Au-delà de l’instantané sur « l’Amérique de Trump », une autre approche plus autobiographique se dessine dans ‘La Mule‘. Le coeur du film est le thème de la famille. Earl a été un mauvais mari et un mauvais père, il essaie de se racheter en se rapprochant de sa petite-fille (Taissa Farmiga). Et ainsi de renouer avec son ex-femme (Dianne Wiest) et leur fille Iris. Fille interprétée justement par Alison Eastwood, une des enfants de l’acteur-réalisateur. Un choix qui ne doit rien au hasard. Si dans le film l’argent de la drogue coule à flot, on n’achète pas le temps qui passe et vous file entre les doigts. Plus que le fait divers dont est tiré le scénario, c’est sans doute surtout ça qui a intéressé Clint Eastwood. Sans la famille, tous les succès et les récompenses, tous les awards du monde ne valent rien, qu’on soit d’un bord politique ou d’un autre.

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Adieu 2018, salut 2019

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La nouvelle année est déjà bien entamée. Mais il est bon de prendre son temps, prendre un peu de distance avec la période terminée pour savoir ce qu’on en retient (et mettre la page Pin-Up à jour). Films, musiques, livres… découvertes en tout genre. Qu’est-ce qu’il nous reste en tête, qu’est-ce qui nous a touché ? Que retenir de l’année 2018 ? Le divertissement est partout, distractions qui occupent notre attention très brièvement comme un flash info mais qu’on oublie tout aussi rapidement ou pire, qui nous pollue inutilement l’esprit. En 2018 où étaient les émotions qui vous nourrissent ? Voici donc une sélection totalement subjective :

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Les films tout d’abord. Aujourd’hui l’offre est tout simplement énorme (salles, dvd/blu-rays, plateformes de streaming, téléchargement/streaming sauvage, festivals…), impossible de tout voir il faut donc faire du tri. Mais rien ne remplace l’expérience du grand écran.

Les meilleurs : ‘Suspiria‘ de Luca Guadagnino et ‘La Forme de l’Eau‘ de Guillermo del Toro. Mais aussi : ‘Pentagon Papers‘, ‘Gräns/Border‘, ‘les Filles du Soleil‘, ‘3 Visages‘, ‘Blackkklansman‘, ‘Detective Dee : la légende des rois célestes‘, ‘Lukas‘. Un « petit » classique (et un des 3 films de chevet de l’auteur de ces lignes) : ‘2001, l’Odyssée de l’Espace‘. Malgré l’overdose du genre, on va retenir un film de super-héros : ‘Spider-Man : New Generation‘ qui en plus est un formidable film d’animation.

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Quelques grands moments sur un grand écran : Dakota Johnson enfin dans de bons films (‘Suspiria’ et ‘Sale temps à l’Hôtel El Royale’), les retrouvailles entre Laurie Strode (Jamie Lee Curtis) et Michael Myers dans le nouveau ‘Halloween’, Tom Hanks et Meryl Streep réunis devant la caméra de Steven Spielberg (‘Pentagon Papers’), les amours contre-nature de ‘La Forme de l’Eau’ filmés par un Guillermo del Toro au sommet de sa forme, Jennifer Lawrence qui donne de sa personne dans ‘Red Sparrow’, l’étrangeté de ‘Border‘ qui met mal à l’aise beaucoup de spectateurs (et de critiques), la sublime Golshifteh Farahani armée dans ‘les Filles du soleil’ descendu par toute la critique, le retour de l’indispensable et sans doute meilleur réalisateur iranien en activité Jafar Panahi avec ses ‘3 Visages’, le retour en grande forme et qu’on n’attendait pas de Spike Lee avec son ‘BlacKkKlansman’, Emily Blunt poursuivit par d’horribles créatures dans ‘Sans un bruit’, l’enquête absurde noyée dans ‘Une Pluie sans fin‘ de Yue Dong, Jodie Foster en petite mamie chargée de faire le ménage dans l’ ‘Hotel Artemis’, Jean-Claude Van Damme dans le très bon ‘Lukas‘, le 3D relief de Tsui Hark pour la troisième enquête de son ‘Detective Dee‘, la révélation John David Washington dans ‘BlacKkKlansman‘, Tilda Swinton et d’ailleurs tout le casting du ‘Suspiria’ version 2018, et enfin le festival de formes et de couleurs du ‘Spider-Man : into the spider-verse‘ retitré en France par un autre titre anglais (‘Spider-Man : New Generation’, ou les mystères de certains distributeurs…).

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Séries TV : là aussi l’offre est énorme. Toute petite sélection : ‘Star Trek Discovery-saison 1‘, ‘Feud‘ et ‘the Office‘ (adaptation USA avec Steve Carell). « Winter is coming… »

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Les disparus/RIP : Johann Johannsson (génial compositeur de BOF), Stephen Hawking (astrophysicien), Burt Reynolds (acteur à la célèbre moustache), Ringo Lam (réalisateur de Hong Kong, on lui doit de très bons Van Damme tel que ‘Replicant’), Christophe Salengro (président à vie, et au-delà, du Groland), Isao Takahata (réalisateur et co-fondateur du studio Ghibli, le bouleversant ‘Tombeau des Lucioles’ c’était lui, tout comme ‘Mes voisins les Yamada’ ou ‘le Conte de la Princesse Kaguya’), Jacques Higelin (chanteur), Milos Forman (réalisateur), Aretha Franklin (chanteuse), Rachid Taha (chanteur), Stan Lee (scénariste BD), Gary Kurtz (producteur d’une galaxie lointaine, très lointaine), Bernardo Bertolucci (réalisateur), Sondra Locke (actrice, réalisatrice), Margot Kidder (actrice, fiancée de Superman), Marcel Philippot (acteur, « Appelez-moi le directeur ! Je l’aurai un jour, je l’aurai. »), Stephane Audran (actrice), Samuel Hadida (producteur et distributeur), Stelvio Cipriani (compositeur de BOF), Maria Rohm (blonde actrice à la beauté rayonnante ayant beaucoup fréquenté le cinéma de Jess Franco), Claude Bernard-Aubert/Burd Tranbaree (réalisateur à la double filmographie dont l’une a beaucoup fait tourner Brigitte Lahaie), Janine Reynaud (actrice que l’on retrouvait dans le cinéma de son mari Michel Lemoine, mais aussi chez Jess Franco)…

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Musique. Quelques bons disques (vinyles) : les rééditions de Kate Bush, les rééditions de Siouxsie and the Banshees, un EP pour Nine Inch Nails, un autre pour Aphex Twin, un nouvel album de Exploded View, la bande originale composée par Thom Yorke pour le film ‘Suspiria‘, la BOF de John Carpenter pour le nouveau ‘Halloween‘, l’édition en vinyle de la BOF ‘Big Trouble in Little China‘ de John Carpenter pour célébrer les aventures du légendaire du seul de l’unique de l’incroyable mais vrai Jack Burton !

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Beaux livres : ‘Flowers of perversion-the delirious cinema of Jesus Franco, volume two‘ de Stephen Thrower et ‘Midi-Minuit Fantastique volume 3‘ de Nicolas Stanzick et Michel Caen.

BD : ‘La Mort Vivante‘ (version luxe noir et blanc) d’Olivier Vatine et Alberto Varanda, ‘La Cathédrale des Abymes‘ de Jean-Luc Istin et Sébastien Grenier (le tome 2, ‘La guilde des assassins‘, vient tout juste de sortir avec un ex-libris offert pour le premier tirage), et ‘Chloé‘ de Riverstone.

Livres à la première personne : Dario Argento, Céline Tran et Mathilda May.

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Pin-Up de l’année : Lana Rhoades. Elle possède des arguments irrésistibles (« Mes yeux, tu les as vus mes yeux ? »), et on peut aussi lui trouver un petit air de ressemblance avec l’actrice Emily Blunt.

Voilà, ce petit bilan perso est fait. On peut passer à 2019. Comme de coutume, à tous les visiteurs et visiteuses de ce blog, occasionnels ou réguliers, de ce monde ou d’un autre, une bonne année ! On commence avec une chanson ?

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