Computer malfunction… et au-delà de Jupiter

S’il y a bien un film qui constitue une expérience hors norme, c’est bien ‘2001 : l’Odyssée de l’Espace‘ (1968). Une expérience à vivre en salle, sur un grand écran si possible et avec un son qui vous enveloppe. Une expérience ultime ! Ca débute par un écran noir accompagné d’une musique majestueuse. Puis nous découvrons l’aube de l’humanité suivi d’un premier contact avec une trace de vie extraterrestre. Une forme non-humaine (ce serait trop facile, comme si les Hommes étaient le centre de l’univers), abstraite. Et ce contact entraine des conséquences… Saut dans le temps, au moyen de l’une des plus belles ellipses de l’histoire du cinéma. Nous sommes à l’ère spatiale, celle des voyages entre la Terre et la Lune à bord de navettes longs courriers, avec escale dans une station située à mi-parcours. Et là encore se produit un nouveau contact avec une autre intelligence. Un monolithe noir a en effet été volontairement enterré sous la surface lunaire, il y a de cela quatre milliards d’années. Il émet un puissant rayonnement en direction de Jupiter. Nouveau (petit) saut dans le temps, dix-huit mois plus tard. Une mission d’exploration est envoyée vers la géante gazeuse de notre système solaire. A son bord, cinq membres d’équipage sous le contrôle automatisé de H.A.L.9000, le summum de l’intelligence artificielle, réputé être infaillible…

Actors Gary Lockwood & Keir Dullea in scene from motion picture « 2001: A Space Odyssey. »

Si ‘2001 : l’Odyssée de l’Espace‘ illustre ce blog, c’est qu’il est tout simplement l’un des films de chevet de l’auteur de ces lignes (je lui ajoute ‘les Sept Samouraïs’ et ‘Le Bon, la Brute et le Truand’) depuis sa découverte il y a pas mal d’années de ça, lors d’un séjour en classe de neige. Vous découvrez ce film sur une télévision qui n’était pas vraiment HD, parmi d’autres collégiens. Tout le monde est désorienté après cette séance, beaucoup n’ont rien compris. Certains ricanent même. Et il y celles et ceux qui posent des questions aux enseignants. Allez savoir pourquoi, quelque chose s’est passée en vous, un déclic. Vous ne le savez pas encore, mais ce film va vous accompagner tout au long des années à venir où vous le reverrez des dizaines de fois, à chaque fois avec un intérêt renouvelé. Vous le verrez même deux fois en salle lors de rétrospectives. Il y a eu plusieurs éditions vidéo. Et lorsqu’une troisième séance en salle (copie magnifique !) se présente à l’occasion du festival les Mycéliades, vous ne pouvez décemment pas refuser l’invitation.

Beaucoup de gens brillants ont parlé ou écrit sur Stanley Kubrick (lire ses entretiens avec Michel Ciment par exemple) et ce film qui a révolutionné la science-fiction. A propos du génie de ce réalisateur, de son perfectionnisme, de son sens de l’image (Kubrick débuta comme photographe). Parler de chef-d’oeuvre peut faire peur à certains spectateurs, tout comme aligner les superlatifs. Le mieux est de vivre un film en en connaissant le moins possible. Se laisser glisser dans ce monde qui prend le temps de se révèler à vous. Des plans qui durent, des mouvements de caméra chorégraphiés sur de la musique de ballets. Un sens du beau inouï, qui alterne avec des sons stridents ou persistants qui vous mettent mal à l’aise afin de faire ressentir aux spectateurs que l’aventure spatiale n’est pas une croisière de plaisance. Les êtres humains ne sont pas fait pour l’espace qui est un univers totalement hostile. Des idées de mise en scène, le film en est plein. Un travail sur le son exemplaire (choix des musiques, sons ambiants, peu de dialogues). Des plans incroyables pour montrer l’absence de pesanteur et de la vie en dehors de la Terre. Les effets spéciaux du film (Douglas Trumbull est au générique, mais Kubrick a également travaillé sur les effets visuels) sont encore aujourd’hui, en 2024, très impressionnants et montrent que le recours au tout numérique de la plupart des grosses productions a grandement appauvri la qualité des films. ‘2001…’ c’est à la fois une volonté de réalisme stupéfiante (le film entra en production alors que l’Homme n’avait pas encore posé le pied sur la Lune !), une réflexion pessimiste mais aussi une vision poétique de l’avenir de l’humanité avec cet incroyable plan final. Les questions et les mystères qui accompagnent les spectateurs lorsque la salle se rallume font parti du charme du film. Et on peut rester ou pas pour suivre le débat de l’après-projection. Quelle est la place de l’Homme dans l’univers ? Quelle est l’origine de la vie ? Interrogations sur l’usage de la connaissance (armes, exploration de l’univers, intelligence artificielle ?). Dans le fond comme dans la forme, Stanley Kubrick et son scénariste Arthur C. Clarke étaient très ambitieux et le résultat est toujours aussi beau et intense, sans jamais être prétentieux ou assommant.

Il y aura une suite au film de Kubrick : ‘2010 : l’Année du premier contact’ (1984), avec Roy Scheider, Helen Mirren et John Lithgow. Le réalisateur Peter Hyams prenait un risque énorme en succédant à un tel monument du cinéma ! Mais il parvint à réaliser un très bon film de science-fiction en prolongeant les thèmes de ‘2001…’ et en évitant de copier le style de Kubrick.

4 commentaires sur “Computer malfunction… et au-delà de Jupiter

  1. Parler de chef-d’oeuvre peut faire peur à certains spectateurs …

    Ben toi tu n’as pas eu peur d’écrire dessus 😊 et Bravo !

    Je l’ai vu il y a un bout de temps !

  2. Vu au ciné. Pas à l’époque de sa sortie (je n’étais pas encore de ce monde) mais lors de sa ressortie en 2001. Fête du cinéma, dernière séance du soir, grande salle quasi vide. Confortablement installé dans mon fauteuil, je suis parti en orbite avec ces astronautes. Un immense souvenir.

    Contrairement à toi, je n’ai jamais tenté depuis de m’y atteler à nouveau pour écrire un papier dessus. Trop impressionné par ce souvenir, par la tâche d’écriture pour être à la hauteur du monument.

    Pour sûr, nous ne sommes pas les seuls à être sous le charme de ce chef d’oeuvre. Je lisais il y a peu une déclaration de Denis Villeneuve qui place ce film au plus haut rang de ses quatre films préférés de tous les temps : « pour moi, c’est le film parfait. » pas mieux.

    1. Je ne pense pas pouvoir un jour partir en orbite autour de la Terre, mais ‘2001…’ donne une petite idée de ce que cette expérience doit être. Sans la nausée et l’énorme pression au décollage, ni une I.A. légèrement parano. 😉

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