DUNE 2 : « colossal et jamais vu » ?

Partout en ville de grandes affiches l’affirment, la seconde partie de ‘DUNE‘ serait « colossal et jamais vu ». Spectaculaire, assurément. « Jamais vu » serait faire preuve d’amnésie, d’ignorance, voire se plier à la cancel culture. Denis Villeneuve confirme les réserves pointées lors de la sortie du premier volet. S’il reste très fidèle au roman de Frank Herbert, son adaptation est aussi très marquée par l’époque actuelle. C’est-à-dire très woke.

En d’autres temps, le cinéma de l’imaginaire accueillait des artistes venus de la marge. Des Jodorwosky, des Lynch par exemple. Aujourd’hui la contre-culture a été avalée par l’industrie. Les sommes investies sont énormes tout comme les enjeux économiques. Pas le droit à l’erreur, il ne faut ni choquer ni déranger, mais plaire au plus grand nombre. Les réalisateurs, hommes ou femmes, doivent se plier aux impératifs du marché et d’une bonne partie du public. Et la plupart le font avec conviction. Denis Villeneuve n’est pas le pire des tâcherons, pourtant. Mais le résultat est là et il n’est pas bon. Tout en se voulant fidèle au premier roman de la saga « Dune », cette seconde partie oublie volontairement certains personnages. On trouve bien une lady Fenring (Léa Seydoux) mais pas de trace du comte Fenring. Ces deux personnages ne sont pas indispensables, mais le choix des auteurs est ici de mettre les femmes en avant. Pourquoi pas. Sauf que la quantité ne fait pas la qualité. Et Alia Atreides ? Jessica (Rebecca Ferguson), sa mère, passe tout le film enceinte alors que plusieurs mois, voire des années passent. C’est un peu long pour une enfant censée être précoce… Le personnage d’Alia est pourtant, lui, très important dans l’histoire. Pourquoi cette absence ? On aperçoit brièvement Sainte Alia du Couteau, dite l’Abomination, dans une vision de son frère Paul Muad’Dib. Et l’actrice qui l’interprète à l’âge adulte est… furieusement réjouissante. Mais c’est bien trop peu devant les révisionnismes et les longueurs de l’histoire, la triste sobriété des décors et des costumes, et les grondements de Hans Zimmer car on ne peut vraiment pas parler de musique de film ici.

« Long et assommant » serait une accroche mieux appropriée pour ce ‘Dune : deuxième partie‘. Parfois, avec les adaptations, il vaut mieux une trahison qui transcende son sujet qu’un travail d’élève appliqué mais chiant. Entre la folie baroque d’un David Lynch et les ronds dans le sable d’un Denis Villeneuve, le choix est vite fait.

« Longue vie aux combattants ! » Longue vie aux résistants !

Computer malfunction… et au-delà de Jupiter

S’il y a bien un film qui constitue une expérience hors norme, c’est bien ‘2001 : l’Odyssée de l’Espace‘ (1968). Une expérience à vivre en salle, sur un grand écran si possible et avec un son qui vous enveloppe. Une expérience ultime ! Ca débute par un écran noir accompagné d’une musique majestueuse. Puis nous découvrons l’aube de l’humanité suivi d’un premier contact avec une trace de vie extraterrestre. Une forme non-humaine (ce serait trop facile, comme si les Hommes étaient le centre de l’univers), abstraite. Et ce contact entraine des conséquences… Saut dans le temps, au moyen de l’une des plus belles ellipses de l’histoire du cinéma. Nous sommes à l’ère spatiale, celle des voyages entre la Terre et la Lune à bord de navettes longs courriers, avec escale dans une station située à mi-parcours. Et là encore se produit un nouveau contact avec une autre intelligence. Un monolithe noir a en effet été volontairement enterré sous la surface lunaire, il y a de cela quatre milliards d’années. Il émet un puissant rayonnement en direction de Jupiter. Nouveau (petit) saut dans le temps, dix-huit mois plus tard. Une mission d’exploration est envoyée vers la géante gazeuse de notre système solaire. A son bord, cinq membres d’équipage sous le contrôle automatisé de H.A.L.9000, le summum de l’intelligence artificielle, réputé être infaillible…

Actors Gary Lockwood & Keir Dullea in scene from motion picture « 2001: A Space Odyssey. »

Si ‘2001 : l’Odyssée de l’Espace‘ illustre ce blog, c’est qu’il est tout simplement l’un des films de chevet de l’auteur de ces lignes (je lui ajoute ‘les Sept Samouraïs’ et ‘Le Bon, la Brute et le Truand’) depuis sa découverte il y a pas mal d’années de ça, lors d’un séjour en classe de neige. Vous découvrez ce film sur une télévision qui n’était pas vraiment HD, parmi d’autres collégiens. Tout le monde est désorienté après cette séance, beaucoup n’ont rien compris. Certains ricanent même. Et il y celles et ceux qui posent des questions aux enseignants. Allez savoir pourquoi, quelque chose s’est passée en vous, un déclic. Vous ne le savez pas encore, mais ce film va vous accompagner tout au long des années à venir où vous le reverrez des dizaines de fois, à chaque fois avec un intérêt renouvelé. Vous le verrez même deux fois en salle lors de rétrospectives. Il y a eu plusieurs éditions vidéo. Et lorsqu’une troisième séance en salle (copie magnifique !) se présente à l’occasion du festival les Mycéliades, vous ne pouvez décemment pas refuser l’invitation.

Beaucoup de gens brillants ont parlé ou écrit sur Stanley Kubrick (lire ses entretiens avec Michel Ciment par exemple) et ce film qui a révolutionné la science-fiction. A propos du génie de ce réalisateur, de son perfectionnisme, de son sens de l’image (Kubrick débuta comme photographe). Parler de chef-d’oeuvre peut faire peur à certains spectateurs, tout comme aligner les superlatifs. Le mieux est de vivre un film en en connaissant le moins possible. Se laisser glisser dans ce monde qui prend le temps de se révèler à vous. Des plans qui durent, des mouvements de caméra chorégraphiés sur de la musique de ballets. Un sens du beau inouï, qui alterne avec des sons stridents ou persistants qui vous mettent mal à l’aise afin de faire ressentir aux spectateurs que l’aventure spatiale n’est pas une croisière de plaisance. Les êtres humains ne sont pas fait pour l’espace qui est un univers totalement hostile. Des idées de mise en scène, le film en est plein. Un travail sur le son exemplaire (choix des musiques, sons ambiants, peu de dialogues). Des plans incroyables pour montrer l’absence de pesanteur et de la vie en dehors de la Terre. Les effets spéciaux du film (Douglas Trumbull est au générique, mais Kubrick a également travaillé sur les effets visuels) sont encore aujourd’hui, en 2024, très impressionnants et montrent que le recours au tout numérique de la plupart des grosses productions a grandement appauvri la qualité des films. ‘2001…’ c’est à la fois une volonté de réalisme stupéfiante (le film entra en production alors que l’Homme n’avait pas encore posé le pied sur la Lune !), une réflexion pessimiste mais aussi une vision poétique de l’avenir de l’humanité avec cet incroyable plan final. Les questions et les mystères qui accompagnent les spectateurs lorsque la salle se rallume font parti du charme du film. Et on peut rester ou pas pour suivre le débat de l’après-projection. Quelle est la place de l’Homme dans l’univers ? Quelle est l’origine de la vie ? Interrogations sur l’usage de la connaissance (armes, exploration de l’univers, intelligence artificielle ?). Dans le fond comme dans la forme, Stanley Kubrick et son scénariste Arthur C. Clarke étaient très ambitieux et le résultat est toujours aussi beau et intense, sans jamais être prétentieux ou assommant.

Il y aura une suite au film de Kubrick : ‘2010 : l’Année du premier contact’ (1984), avec Roy Scheider, Helen Mirren et John Lithgow. Le réalisateur Peter Hyams prenait un risque énorme en succédant à un tel monument du cinéma ! Mais il parvint à réaliser un très bon film de science-fiction en prolongeant les thèmes de ‘2001…’ et en évitant de copier le style de Kubrick.

Toute autre priorité est annulée

Revoir ‘Alien, le huitième passager‘ sur un grand écran, à l’occasion du festival « Les Mycéliades », c’est un peu découvrir ce film culte comme pour la première fois. L’image projetée sur le grand écran domine les spectateurs plongés dans l’obscurité et le son vous englobe. Vous êtes plongé dans ce cauchemar imaginé par Ridley Scott en 1979. Un réalisateur britannique qui connaissait là ses meilleures années (on est très loin de ‘Napoléon’…) puisqu’il allait ensuite enchainer avec un autre chef d’oeuvre de la science-fiction, ‘Blade Runner’ (1982).

Lorsque le film débute, la caméra parcourt l’espace infini, pour ensuite s’aventurer dans les couloirs déserts du cargo interstellaire Nostromo, chargé de minerai rare. Le premier signe d’activité se manifeste par des lignes de codes qui s’affichent sur un écran et se reflètent sur la visière d’un casque. Un face à face où l’humain est absent. C’est l’ordinateur de bord, surnommé « Mother », qui est aux commandes. Ce n’est que bien après, quelques plans plus tard, que nous découvrons l’équipage du vaisseau endormi dans des caissons de survie durant le long voyage qui doit les ramener sur la Terre. Les sept hommes et femmes sortent un à un de leur sommeil. Et on constate, en connaissant le film, que le premier à s’éveiller sera aussi le premier à mourir. Avec ‘Alien, le huitième passager‘, Ridley Scott a un point de vue affirmé lorsqu’il prend le temps de montrer ses décors, puis les passagers du vaisseau. Les mouvements de caméra, les éclairages, le montage, la composition des plans, l’usage ou non de la musique (remarquable bande originale composée par Jerry Goldsmith) et le travail sur le son participent à nous rendre familiers avec le Nostromo et son équipage. La tension va monter progressivement pour nous amener vers la terreur et ne plus nous lâcher. Une remarquable leçon de cinéma !

Quant au scénario, il s’intéresse, dans le cadre d’un film de SF, aux rapports humains dans le monde du travail. On voit que l’équipage est traversé de tensions, notamment en ce qui concerne le salaire et les primes. Il doit bien sûr respecter des protocoles de sécurité et certaines closes dans leur contrat de travail. Mais les règles semblent de toute façon faussées dès le départ, car la « Compagnie » qui les emploie cache certaines informations cruciales. Il y a des priorités (le profit avant tout) qui passent avant la sécurité et même la survie des employés. Sous un certain angle, ‘Alien’ nous dit que le monde du travail est une lutte impitoyable et permanente. L’humain est juste une force de travail remplaçable et donc sacrifiable, encadré par un ordinateur et surveillé par un androïde. Bien évidemment, lorsqu’une forme de vie extraterrestre particulièrement belliqueuse viendra tout balayer, ces conflits sociaux paraitront dérisoires. Dans ce film, l’horreur vient de tout ce qui est non-humain. Et pour sublimer cette notion à l’écran, l’idée géniale fut de faire appel au peintre suisse HR Giger. Son univers infernal bio-mécanique mêlant une sexualité monstrueuse à la technologie n’attendait qu’à être utilisé au cinéma. Une idée que Ridley Scott a piqué à… Alejandro Jodorowsky, puisque Giger et le scénariste Dan O’Bannon furent recrutés pour participer au projet (avorté) ‘Dune’ de Jodo. Même chose pour Jean ‘Moebius’ Giraud et Chris Foss dont les dessins ont contribué à définir l’univers visuel du film. La génération « Métal Hurlant » a été bien utile à Hollywood. Enfin, ‘Alien‘ premier du nom repose aussi sur la qualité de son casting à commencer par Sigourney Weaver entourée de Tom Skerritt, John Hurt, Ian Holm, Veronica Cartwright, Yaphet Kotto et Harry Dean Stanton.

Les Mycéliades est un festival de science-fiction (cinéma, livre, bd, jeux vidéo) qui se déroule actuellement dans plusieurs villes de France, du 1e au 15 février 2024. Informations par ici :

les myceliades

Adieu 2023, salut 2024

Quelle heure est-il ? Tiens, il est déjà 2024. Il est temps de faire un rapide petit bilan de l’année écoulée.

CINEMA. Parmi les films vus en salles, beaucoup de belles découvertes. Si on doit en distinguer un, ce sera ‘The Fabelmans‘ de Steven Spielberg où plus d’un spectateur se sera reconnu dans le personnage principal et sa passion pour le cinéma. Avec la scène la plus merveilleuse vue sur un grand écran en 2023 : une leçon de cinéma donnée par un John Ford qu’interprète… David Lynch !!! Spielberg et Lynch, deux artistes totalement différents mais réunis dans un film, voilà la preuve que la magie peut exister dans l’art malgré les horreurs du monde ! Mais ce n’est pas tout puisqu’on peut ajouter et sans aucun classement ‘Babylon‘ de Damien Chazelle, ‘Oppenheimer‘ de Christopher Nolan, ‘Killers of the flower moon‘ de Martin Scorsese.

Une année 2023 qui nous aura permis de renouer massivement avec le cinéma asiatique, que ce soit avec des sorties classiques, des séances spéciales ou lors de festivals. Pour le Japon il y a eu : l’anime ‘Suzume‘, ‘Freeze me‘ (2000) et ‘Godzilla Minus One‘ (enfin une ressortie française plus importante de la part du distributeur, du 17 au 31 janvier 2024). La Corée du Sud a proposé ‘Concrete utopia‘ et ‘Don’t buy the seller‘. Du côté de l’Inde c’était la fête avec ‘Magadheera‘ (2009) de S.S. Rajamouli. Mais le gros morceau reste la Chine qui devient un acteur extrêmement puissant et intéressant à suivre, malgré toutes les réserves qu’on est en droit d’avoir. Quelques chocs vécus sur grand écran : ‘Limbo‘ de Soi Cheang un polar HK noir de chez noir, tourné en couleur puis converti et projeté en noir et blanc, et ‘the Wandering Earth 2‘ de Frant Gwo d’après le romancier Liu Cixin, un blockbuster de SF très spectaculaire qui affronte directement Hollywood et pour le meilleur.

L’animation était à l’honneur avec la sortie évènement du nouveau et ultime (?) effort de Hayao Miyazaki… mais pas vu ! Il y a eu le formidable ‘Suzume‘ de Makoto Shinkai. Et du côté de l’animation en volume, le cauchemar ‘Mad God‘ de Phil Tippett en a traumatisé plus d’un.

Pour les ressorties de classiques restaurés, 2023 célébrait les 100 ans du studio Warner Bros., ce qui a permis de redécouvrir dans toutes leur splendeur des films tels que ‘Blade Runner‘ (final cut) et ‘Rio Bravo‘.

En 2023 il y a bien eu quelques merdes visionnées, essentiellement à base de petits gaulois égarés en Chine, de super-héros américains totalement dépassés et même un type déguisé en Napoléon. Mais on va éviter de s’y attarder. Plouf ! Tirons la chasse d’eau.

MUSIQUE. En 2023 le prix des disques vinyles a encore grimpé. Même chose pour les CDs. Situation critique pour tous les amateurs de supports physiques. Et quand avec ça votre petit disquaire se retrouve en situation délicate pour sa survie, il n’y a pas de quoi être optimiste. Mais la musique était bien au rendez-vous. Parmi les sorties, quelques fringants retraités se sont rappelés à notre bon souvenir tels qu’Iggy Pop et les Rolling Stones. Increvables ceux-là, mais surtout capables d’agréablement surprendre. Mais le meilleur album écouté, et en boucle, c’est bien le ‘Memento Mori’ de Depeche Mode. Après le décès d’Andrew Fletcher, Gore et Gahan (et le producteur James Ford) ont réalisé l’un des meilleurs albums du groupe. Une belle année complète pour Depeche Mode qui sortait en décembre le blu-ray ‘Strange/Strange Too‘, une compilation de leur collaboration (1988-1990, clips en noir & blanc et en couleur) avec le photographe/cinéaste Anton Corbijn. Autres albums remarqués : celui de Noel Gallagher ‘Council skies’ et celui de PJ Harvey ‘I inside the old year dying’.

LECTURE. La découverte de 2023 fut celle de l’écrivain chinois Liu Cixin. Il y a eu tout d’abord le film ‘the Wandering Earth 2’ inspiré d’une de ses nouvelles. Puis la lecture en poche du ‘Problème à trois corps‘, monument de la science-fiction (tendance hard SF) salué un peu partout. Et effectivement ce roman (publié en 2006 et traduit en français en 2016, en fait le premier volume d’une trilogie) ne se lâche plus une fois que vous avez entamé sa lecture. Il vous reste en tête. L’histoire se passe en Chine et suit plusieurs personnages qui vont finir par se croiser. Dans les années 1960, la jeune Ye Wenjie voit son père assassiné par les Gardes Rouges fanatiques de la Révolution culturelle. Des années plus tard, elle est affectée à la station secrète Côte Rouge et sa grande antenne dirigée vers les cieux. Dans les années 2000, le chercheur en nanotechnologies Wang Miao et l’inspecteur Shi Quiang enquêtent sur une série de suicides dans le milieu scientifique… Difficile d’aller plus loin sans en dire trop. D’autres parlent très bien de l’auteur et de ses écrits. On peut signaler que David Benioff et D.B. Weiss, les showrunners de la série « Game of thrones », sont sur le point de livrer leur adaptation du roman ‘Le Problème à trois corps/3 Body Problem’ pour Netflix. Peut-on craindre un assaisonnement trop américain ? C’est possible. En attendant, il existe déjà une adaptation chinoise du roman en série. Il s’agit de « Three-Body Problem » et on peut la découvrir en chinois sous-titré en anglais sur Youtube. Trente épisodes de 40 minutes sont annoncés ! Et c’est passionnant à suivre, bien plus que nombre de films actuellement à l’affiche.

DISPARITIONS. Ils sont partis en 2023, quelques noms : Tina Turner, Jane Birkin, Jean-Louis Murat, Michel Ciment (critique et historien du cinéma, il faut lire ses entretiens avec Stanley Kubrick), Sinead O’Connor, Jeff Beck, Sixto Rodriguez, Guy Marchand, François Hadji-Lazaro, Gina Lollobrigida, Julian Sands, Tatjana Patitz (l’une des super-top modèles immortalisées par Peter Lindbergh dans une célèbre photo datée de 1990), Burt Bacharach, Carlos Saura, Alain Goraguer, Leiji Matsumoto (papa d’Albator), Raquel Welch, Lance Reddick (concierge de l’hôtel Continental fréquenté par John Wick), Ryuichi Sakamoto, Jim Brown, Ray Stevenson, Astrud Gilberto, Treat Williams, Frederic Forrest, Alan Arkin, William Friedkin (ami des exorcistes), Michael Gambon, Tom Wilkinson…

2024

Comme le veut la tradition, à tous les visiteurs de ce blog, réguliers ou occasionnels, de ce monde ou d’un autre (attention aux Trisolariens…) : une Bonne Année 2024. Ca commence forcément en musique :

I.A. mon amour

I.A. mon amour : ou comment j’ai appris à ne plus m’en faire et à aimer l’Intelligence Artificielle‘.

Ce pourrait être le titre français du film ‘The Creator‘ de Gareth Edwards. Soit un mélange ambitieux entre ‘Apocalypse Now’ et ‘A.I.’ de Steven Spielberg. Un futur proche où les humains et les androïdes se livrent une guerre sans merci après qu’une I.A. ait balancé une bombe nucléaire sur Los Angeles (hoops ! désolé guys). Mais toutes les créatures cybernétiques sont-elles mauvaises pour autant ? Bien sûr que non. Et un soldat américain chargé de trouver une mystérieuse nouvelle arme créée par les machines va le découvrir. Bien évidemment, ce militaire (John David Washington) est un homme grièvement blessé et équipé de prothèses robotiques. Un humain augmenté donc. Un pied dans un camp, un pied dans l’autre, c’est idéal pour réunir les belligérants (comme dans ‘I, Robot’ donc…). Et là où les scénaristes finissent par marquer des points et nous convaincre, c’est lorsque cette arme ultime prend l’apparence d’une petite fille aux grands yeux innocents et pleins de larmes qu’on a tous envie de serrer contre son coeur. Le doute n’est plus permis (oubliez les Réplicants) : le futur selon Elon Musk et ses petits amis ne sera que joie et paix sur la Terre ! Amen.

On remarquera au passage que le film décrit sans complexe une intervention des USA dans un pays imaginaire d’Asie (New Asia, un mélange entre le Viêtnam et la Thaïlande), sans réaction de la part de la grande puissance située juste à côté. Super-puissance qui n’est d’ailleurs jamais évoquée. Les scénaristes n’ont visiblement pas eu accès à une carte de la région. La crédibilité de ce futur en prend un sacré coup. Et ça ne s’arrange pas avec les intelligences artificielles. Car l’imagination des auteurs baigne en plein anthropomorphisme. Et oui, les robots sont des être vivants comme nous, ils rient comme nous, ils pleurent comme nous, ils regardent des dessins animés, font la sieste, aiment les glaces… Ce scénario a-t-il été écrit au siècle dernier ? Dans quelle actualité vivent le réalisateur et ses collaborateurs ? C’est à croire que le cinéma de science-fiction (et la littérature) n’a rien proposé ces dernières années sur le sujet. Le Japonais Mamoru Oshii avec ses anime mythiques du cyberpunk, ‘Ghost in the shell’ (1995) et ‘Ghost in the shell : Innocence’ (2004), peut dormir tranquille : il conserve de grandes longueurs d’avance sur ce ‘The Creator’ totalement dépassé.

Pour se pencher un peu plus sérieusement sur l’intelligence artificielle et le transhumanisme, sur leurs impacts sur nos vies et sans verser dans la technophobie, on peut se plonger dans la lecture du nouveau numéro de la revue Front Populaire. Le numéro 14 propose des entretiens et des analyses qui viennent questionner les Gafam, l’IA forte, le cyborg, la Silicon Valley, le Deep Learning… Le futur n’est plus de la science-fiction, c’est déjà aujourd’hui. Et côté bande dessinée, le numéro 8 de Métal Hurlant s’intéresse de près à la ménagère de plus de 500 ans (mais elle ne les fait pas) avec des histoires de Moebius, Beb-Deum, Marc Caro, Dionnet et Bilal, Paul Gillon, Caza, Denis Sire, Jean-Michel Nicollet, Margerin. Tout ça entre une interview d’Enki Bilal et un long entretien avec Philippe Manoeuvre. Rock’n SF !

L’Etrange Festival 2023-04 : suite et fin

(Photos festival : Nicolas NSB)

Dernière salve de films. La fatigue s’est bien accumulée, mais l’enthousiasme et la soif de découvertes sont intacts. Allons faire un tour du côté des documentaires. On a loupé ‘Squaring the circle (the story of Hipgnosis)’ (les créateurs des pochettes de Pink Floyd, Led Zep, Peter Gabriel…) du célèbre photographe et réalisateur Anton Corbijn ? On va se rattraper avec ‘Beyond Bizarre, the life & art of John Willie‘ de Charlotte Grondin et Guillaume Pin. Soit un portrait de la vie et de l’oeuvre du créateur de « Gwendoline » (deux volumes sont disponibles chez Delcourt, des petites histoires et des personnages très différents du film de Just Jaeckin). John Willie est connu dans le petit monde de la bédé érotique (un petit tour à la Musardine ne se refuse pas quand on est de passage à Paris), mais ce qu’on ne sait pas forcément c’est qu’il était aussi un photographe. Britannique déshérité par sa famille, il vécu en Australie où il se découvrit un fort penchant pour le fétichisme, plus particulièrement pour ces chaussures pour dames à très haut talon. De découvertes en rencontres, il photographiait des modèles puis édita la revue Bizarre destinée à un public de spécialistes aussi bien aux USA (où il travailla avec Irwing Klaw qui fit connaitre Betty Page) qu’en Europe. De la photo, il passa au dessin en s’inspirant de ses propres clichés dans des mises en scène très bondage. C’est ce que raconte ce passionnant documentaire qui donne la parole notamment à Roberto Baldazzini, Vincent Bernière, Jean-Pierre Dionnet…

Une édition de l’Etrange Festival sans voir un film japonais ne saurait être totalement satisfaisante. Dans les « Pépites de l’Etrange », ‘Freeze Me‘ de Takashi Ishii (2000) vient secouer les spectateurs avec un film particulièrement violent et dérangeant. L’histoire : Chihiro est salariée à Tokyo. Elle est fiancée avec un gentil collègue de travail. Le mariage est proche, tout va bien pour elle. Mais voilà que débarque une ancienne connaissance, un des voyous qui l’ont violé il y a cinq ans dans une petite ville glacée du nord du Japon. Le yakuza entre de force dans le petit appartement de la jeune femme et s’y installe. Chihiro ne parvient pas à le chasser de chez elle, ni à le repousser totalement… Avec un budget qu’on devine serré (le film se déroule essentiellement dans un appartement), Takashi Ishii parvient à filmer une histoire qui vous remue. Son personnage principal (extraordinaire Harumi Inoue qui livre une performance éprouvante) est particulièrement bien écrit. Il s’agit d’une femme prisonnière d’une relation toxique et qui, malgré la violence de son agresseur, ne parvient pas à couper les liens qui les relient. Elle va devoir entamer un douloureux parcours sanglant pour s’en libérer définitivement. Cette histoire et ce film rappellent une autre production japonaise, le fameux ‘Quand l’embryon part braconner’ de Koji Wakamatsu (1966). A réserver à un public averti. La séance était présentée par l’éditeur Extralucid Films, qui a annoncé que le film était en cours de restauration pour une future sortie l’an prochain.

Voici déjà la dernière séance. Soirée de cloture dans la grande salle avec récompense d’un long métrage et d’un court métrage. Et surtout, projection du blockbuster chinois en avant-première française ‘The Wandering Earth 2‘. Il faut l’annoncer partout dans le monde du cinéma : la Chine arrive et va tout chambouler ! Le réalisateur Frant Gwo livre le second chapitre de sa super-production de science-fiction, qui est un préquel. L’histoire : la Terre est condamnée a être brûlée et détruite par le soleil. Les nations décident de se lancer dans un projet titanesque, à savoir la construction de milliers de réacteurs partout sur le globe afin de propulser la planète hors du système solaire !!! A partir d’un postulat totalement délirant, le film embarque les spectateurs dans une odyssée incroyablement spectaculaire de près de trois heures, sans temps mort, et qui devient crédible ! On pense tout d’abord à la série ‘Cosmos 1999’, mais également à ‘Contact’ de Robert Zemeckis. ‘The Wandering Earth 2‘ adapte un roman de l’écrivain Liu Cixin (également adapté par les showrunners de « Game of Thrones » pour une série à sortir en 2024, ‘3 Body Problem/le Problème à trois corps’) et y met des moyens colossaux ! Entre film de SF et film catastrophe, Frant Gwo annonce clairement la couleur. Son objectif est de concurrencer Hollywood, et plus particulièrement les ‘Interstellar’ et autres ‘Avatar’ ! Y parvient-il ?

La réalisation est d’une grande efficacité, tandis que les effets spéciaux sont très impressionnants. Mais pour ce qui est du scénario, même avec un point de départ improbable, les auteurs parviennent à proposer un spectacle dans lequel on embarque sans réserve. On pouvait craindre un fond nationaliste propre à pas mal de productions chinoises, mais il n’en est rien. Si le film adopte naturellement un point de vue chinois, les enjeux décrits impliquent des personnages de plusieurs nationalités, dont les alliés russes (on s’en doutait), mais aussi des partenaires américains, indiens et même un Français. Malin. Les personnages sont suffisamment développés pour qu’on s’intéresse à eux (Roland Emmerich est définitivement sur la touche), aidés par un casting solide où on retrouve Wu Jing, Andy Lau, Zhi Wang… Oui James Cameron est en train d’être sévèrement concurrencé ! S’il a encore un peu de marge au niveau des SFX, pour ce qui est des thèmes abordés lui, Nolan ou encore Ridley Scott sont méchamment attaqués. Et ce n’est pas une mauvaise chose du moment que le cinéma de SF sort gagnant (à côté, le cinéma français englué dans le sociétal est hors jeu). Du cinéma grand spectacle à déguster sur grand écran et avec un gros son. Et pour la France ? Bonne nouvelle, Jokers Films (gros coffret beau et cher de ‘The Host’ en prévente) est de la partie. Mais l’enthousiasme est un peu douché quand on apprend qu’ils vont sortir directement ce film en vidéo (BR et BR 4K steelbook) début décembre. A moins d’avoir près de chez vous un cinéma qui propose un mini-festival ou une soirée thématique, c’est mort pour le grand écran. Dommage que les distributeurs et exploitants français soient si frileux, car le public amateur de SF sait que les choses innovantes viennent dorénavant d’Asie (Corée, Chine, et même la Russie a proposé des films intéressants ces dernières années) où l’hégémonie hollywoodienne est remise en question. Le monde change. Et il serait bien que les grands écrans de France en prennent conscience.

Fin de festival. Il ne s’agit que d’un tout petit aperçu de ce que la programmation avait au menu. Une fenêtre enrichissante ouverte sur d’autres regards sur le monde, loin du conformisme général qu’on nous balance sur les écrans petits et grands. Des films à découvrir dans des salles bien remplies, voire pleines, parmi des spectateurs respectueux et tout ça à un prix abordable. Que ça fait du bien.

http://www.etrangefestival.com

DUNE : signes des temps

« Tu ne feras point de machine à l’esprit de l’homme semblable. »

Commandement issu de la Bible Catholique Orange.

« Lorsque la religion et la politique voyagent dans le même chariot, les voyageurs pensent que rien ne peut les arrêter. Ils vont de plus en plus vite. Ils oublient alors qu’un précipice se révèle toujours trop tard. »

Proverbe Bene Gesserit.

3D+HFR+3H12 = AVATAR 2

L’occasion est trop belle (mais onéreuse). Celle de découvrir le nouveau film de James Cameron sur un grand écran et dans un format exceptionnel : le HFR 3D. On en a déjà entendu parler, mais c’est quoi au juste cet oiseau rare au nom bizarre ? Le High Frame Rate est une technologie de diffusion à cadence élevée. Au cinéma, une projection classique se fait à la vitesse de 24 images par seconde. Avec le HFR on passe à du 48 voire 120i/s., ce qui est censé offrir un grand confort de visionnage d’un programme en relief 3D. Et effectivement, le confort visuel pour découvrir ‘Avatar : la voie de l’eau‘ est incomparable. Tout est net, même les plans avec des mouvements de caméra rapides ou de nombreux éléments en action. Cette fluidité inédite est aussi ce qui dérange un peu, car on a l’impression par moment de s’éloigner de l’esthétique d’un film de cinéma pour rejoindre celle d’une cinématique de jeu vidéo.

Avatar : la voie de l’eau‘ reprend l’histoire de Jake Sully et de Neytiri que nous avions découvert en 2009. Une dizaine d’années plus tard, ils ont fondé une famille et élèvent leurs enfants en harmonie avec la nature de Pandora et les humains restés sur place. Mais un jour, une menace apparait dans le ciel : une nouvelle mission de colonisation venue de la lointaine Terre débarque en masse. L’affrontement est inévitable et la tribu des Omaticaya doit prendre la fuite… Après les forêts luxuriantes du premier ‘Avatar‘, James Cameron l’avait dit et promis il s’aventurerait dans l’océan. Disons-le tout de suite, les séquences aquatiques et sous-marines de ce nouveau volet sont le coeur du spectacle et d’une qualité encore jamais vue au cinéma ! Les effets spéciaux numériques de ce film écrasent tout ce qui a été fait jusqu’à aujourd’hui en terme de réalisme. Que ce soit les personnages, les créatures et les environnements dans lesquels ils évoluent, tout est crédible et réaliste. La planète Pandora existe, la preuve nous l’avons sous les yeux. Il ne manque plus que l’odorat et le toucher pour que les sens attestent de la réalité qui nous est présentée. Après l’émerveillement devant ce dépaysement incroyable, on peut reconnaitre que les 3H12 se font un peu ressentir. Le scénario, tout comme celui du premier film, reprend un schéma classique à base de parcours initiatique, de rencontres, de conflits et de vengeance. Si James Cameron ne révolutionne pas la science-fiction dans le contenu de son histoire, il maîtrise son sujet d’une façon que beaucoup peuvent lui envier. Pour ce qui est de la qualité et la puissance du spectacle grand public, Cameron et ses équipes sont toujours les rois du monde.

BD : les aventures de Sixella

En 2020, le petit monde de la bande-dessinée accueillait un nouveau venu, Janevsky. Son album ‘SIXELLA‘ raconte les aventures érotico-SF d’une aventurière sexy échouée sur une planète hostile. Seule survivante du crash de son vaisseau d’exploration, Sixella a pour tout compagnon le robot R.Iris.2046. Ensemble, ils partent à la découverte de cet étrange eden en partie désertique, mais à la flore tentaculaire. Un univers qui éveille les désirs de la belle, jusque dans son sommeil. L’androïde va se montrer secourable pour affronter la frustration…

Avec Sixella, Janevsky invente une nouvelle Barbarella. Soit une jeune femme vivant des aventures où elle explore aussi bien des mondes extra-terrestres que ses propres pulsions sexuelles. Un parcours initiatique sensuel et une célébration de l’imagination à tous les niveaux ! L’auteur signe le dessin et le scénario de ce « conte spatial et onirique » qui succède dignement à Jean-Claude Forest (‘Barbarella’). Sixella et son compagnon artificiel, qui sait rendre de nombreux services, rappellent évidemment ‘La Survivante’ de Paul Gillon (‘Les Naufragés du Temps’ avec le même Forest). Les paysages tourmentés et les créatures tentaculaires semblent citer l’univers de cauchemar d’un Giger, mais aussi la divine « Druuna » de Serpieri, où formes phalliques dressées côtoient des cavernes-vulves conduisant à une vérité cachée. Le masculin et le féminin s’affrontent, se combattent, se rejoignent. Enfin, dans le trait de Janevsky, on peut retrouver une touche de Moebius. Autant d’influences lourdes à porter, mais qui aboutissent à un travail personnel et passionnant à suivre sur près de 48 pages.

Cette année, Janevsky revient avec un nouveau projet, ‘LILITH‘. Un album en cours de réalisation et où nous retrouvons Sixella, toujours accompagnée du robot Iris, débarquant sur Eden 347 pour étudier « la reine », une créature tentaculaire. ‘Lilith’ sera une bande-dessinée érotique et de science-fiction de 144 pages, explorant plus en longueur l’univers présenté dans ‘Sixella‘. Pour aider à monter ce projet, une campagne de financement participatif est lancée sur la plateforme Ulule par l’éditeur La Musardine/Dynamite. Plusieurs contreparties sont proposées comme un ex-libris, une dédicace, et pour les plus fortunés des dessins ou des planches originales signés par l’auteur. Comme toutes les campagnes de crowdfunding, c’est l’occasion de pouvoir acquérir une édition exclusive même en ne choisissant que l’album puisque les paliers débloqués devraient y ajouter et pour tous les participants : cartes postales, marque-page, tranchefile et signet, et une jaquette réservée à Ulule. La sortie de ‘Lilith‘ est prévue pour octobre 2023 (délais de folie pour imprimer livres ou disques vinyles !). Ca se passe par ici :

https://fr.ulule.com/lilith-par-janevsky-edition-luxe

« Merci d’avoir choisi Air Pandora »

Ce mois de septembre, on peut dire que les plateformes de streaming ont mis le paquet pour faire l’actualité cinéma de la rentrée. Entre ‘Le Seigneur des Anneaux : les Anneaux de Pouvoir’, ‘Game of Thrones : House of the Dragon’ et ‘Star Wars : Andor’, l’envie de découverte est extrêmement forte.

Mais ce n’est rien cependant comparé à un retour sur la planète Pandora telle que l’a imaginé James Cameron en 2009. Un retour sur les grands écrans, et en 3D !, dans une sublime copie afin de préparer la sortie du second volet en décembre. Même après treize années et de nombreux blockbusters ayant profité des avancées technologiques, ‘AVATAR‘ reste toujours aussi impressionnant. Et ses enjeux, ses thèmes sont toujours autant d’actualité. Le sens du spectacle et la maitrise de la mise en scène de Cameron restent inégalés.

Il est temps de faire une réservation pour un nouveau séjour sur la terre des Na’vis.