Disquaire Day/RSD 2024

Samedi 20 avril 2024 avait lieu le Disquaire Day, journée internationale de fête et de soutien des disquaires indépendants. Un dernier pour la route ? C’est bien possible, malheureusement, pour le petit disquaire que l’on soutient depuis des années. Plusieurs raisons sont responsables, comme le prix des disques, une industrie qui s’est orientée vers le streaming sans totalement délaisser le CD et le vinyle, mais qui se détourne des petites structures et favorisent les géants de la vente en ligne… et la speculation immobilière ! Un disquaire ce n’est pas juste un commerce, mais un lieu de rencontres entre passionnés de musiques et d’échanges. Si cette boutique ferme, ce sera évidemment un drame pour les deux vendeurs Ludo et Fifi, et pour le patron Cédric.

Samedi matin donc, arrivé un peu à la bourre après l’ouverture. Une petite dizaine de clients est déjà penchée sur les deux bacs bien remplis de vinyles exclusifs à l’opération Disquaire Day/Record Store Day. Il y a du choix, beaucoup et pour tous les goûts. Quant aux prix, ils sont toujours à la hausse, mais pas toujours. Ainsi le Bowie était proposé à 32€ tandis que le mini-album de Garbage (quatre titres) atteignait les 36€. Un EP plus cher qu’un LP, c’est nouveau ! Dans le prix de vente il y a la marge du vendeur, mais il y a aussi et surtout de prix de base du label. Pour les double albums, ça s’approchait dangereusement des 50€ ! Dans ces conditions, et même en ayant mis des sous de côté pour cet évènement, on y regarde à deux fois. On fait des choix. Pour ne retenir qu’une poignée de vinyles. Petite sélection :

DAVID BOWIE : ‘Waiting in the sky (before the Starman came to earth)‘. Datée de décembre 1971, il s’agit d’une sélection non définitive de titres issus des archives de Bowie, de ce qui allait devenir l’album ‘Ziggy Stardust’. On trouve par exemple ‘Velvet goldmine’, ‘Holy holy’, une reprise de Chuck Berry ‘Round and round’ ainsi que le ‘Amsterdam’ de Jacques Brel. Des morceaux qui seront écartés du tracklisting définitif de l’album mythique, pour sortir en face B des singles entre 1973 et 1975. Tous les titres sont issus des bandes d’enregistrement d’époque. Son et pressage excellents sur vinyle noir.

SIOUXSIE AND THE BANSHEES : ‘Nocturne‘. Double vinyle remasterisé pour ce fabuleux album live (1983) où les Banshees recrutaient Robert Smith des Cure à la guitare. Pochette ouvrante/gatefold avec deux vinyles noirs et un poster recto-verso. De l’excellent travaille, tout comme les concerts ‘Show’ et ‘Paris de The Cure réédités récemment en vinyle. Une ‘Nocturne’ qui débute en majesté avec ‘Israel’ (et le ‘Sacre du Printemps’ d’Igor Stravinsky) et enchaine sur le ‘Dear Prudence’ des Beatles.

TRICKY : ‘Angels with dirty faces‘. Le prince noir du trip-hop sortait en 1998 son troisième album solo. Guitares, basses lourdes, batteries et samples s’entrechoquent autour de ces anges aux sales gueules. Au casting on trouvait la compagne d’alors Martina Topley Bird, PJ Harvey et un choeur de gospel de la Nouvelle-Orléans, Scott Ian (Anthrax) et Marc Ribot. Tricky le Bristolien était alors au sommet de son art. Cette réédition RSD-2024 se présente avec une pochette ouvrante/gatefold et deux disques transparents de couleur orange. Très bon travail.

SINEAD O’CONNOR : ‘You made me the thief of your heart‘. Extrait de la bande originale du film ‘In the name of the father/Au nom du père’ (1993), ce mini-album présente le titre interprété par Sinéad O’Connor sous différentes versions (album, stained mix, 7″ edit, instrumental). Vinyle EP transparent sans défaut et son puissant. A noter que contrairement à ce qu’annonce le dos de la pochette, il s’agit bien d’une édition 5 titres. Deux versions en face A et trois morceaux en face B avec le titre instrumental ‘The father and his wife the spirit’ non indiqué sur la pochette, mais présent sur le disque et sur l’étiquette de la face B.

SCOTT WALKER : ‘Tilt‘. Réédition (1995) d’un album inclassable, entre pop, rock, industriel, BOF, expérimental, classique… Scott Walker fait le lien entre Bowie et Bashung dans leur recherche à repousser les limites du format pop/rock, tout en se frottant à d’autres influences musicales. Cet album reste une énigme fascinante à se repasser après le passage d’une tempête, sous un soleil écrasant ou par une nuit étoilée. Son et pressage excellents. Deux vinyles noirs glissés dans une pochette simple, à écouter à la vitesse de 45t/mn.

(Photos Disquaire Day 2024 : Nicolas NSB)

Bonnes pioches pour cette édition 2024 du Disquaire Day/Record Store Day. Comme chaque année, sur le site officiel de la manifestation, on constate que la liste française évolue au fil des semaines. Certaines références disparaissent sans explications (le Siouxsie), mais sont bien présentes dans les bacs. De l’autre côté de la Manche, la liste du Record Store Day est bien plus fournie. Et les files d’attentes impressionnantes. Parfois un heureux imprévu se produit, comme le maxi 4 titres de Bryan Ferrythe Right Stuff‘, annoncé pour le RSD britannique le 20 avril, mais déjà à la vente sur un site anglais connu une semaine à l’avance (!) et à un prix très étrange. Ce n’est pas qu’il y avait un chiffre en trop, non, mais… un chiffre en moins (!!!). Evidemment cet EP bleu (excellent) pressé à 45t/mn s’est vendu en quelques secondes.

Fantômes du soir

DEPECHE MODE : ‘Ghosts again’

« A place to hide the tears that you cried
Everybody says goodbye

Faith is sleeping
Lovers in the end
Whisper we’ll be ghosts again »

Leur nouvel album ‘Memento Mori‘ est annoncé pour le 24 mars prochain. Aujourd’hui, Dave Gahan et Martin Gore en présentent un premier extrait avec ‘Ghosts Again‘. Un titre electro-pop sombre et lumineux. Si pour l’instant on ne trouve pas d’information concernant le clip mis en ligne, le style rappelle fortement celui d’Anton Corbijn (Mise à jour : Corbijn est bien le réalisateur du clip) :

Un retour sans le regretté Andy Fletcher, disparu l’année dernière. Si Bowie chantait « everyone says hi », pour les Depeche Mode c’est un salut en forme d’adieu, un « goodbye ».

L’album est déjà en précommande un peu partout (notamment chez les petits disquaires). On peut remarquer au passage que les prix s’envolent, une fois de plus. 40€ le double vinyle, vous êtes sûr !!?

Après 2022, voici 2023

Quelle heure est-il ? Comment, il est déjà 2023 ! Diable que le temps passe vite. Quoi de mieux pour débuter une nouvelle année qu’un peu de bonne musique ? Ca tombe bien, un nouvel album d’Iggy Pop vient tout juste de sortir et comme le disait hier le collègue disquaire : « c’est un très bon cru ». Un iguane qui bande et rugit toujours, qui a visiblement un compte à régler avec un certain établissement (« fuck the Regency !!! »), sans oublier l’industrie du spectacle (« sell your face to Hollywood, they paying good »). L’album ‘Every loser‘ est LA dose de vitamines qu’il nous fallait, disponible en téléchargement, en cd et en vinyle.

Petit retour tout personnel sur l’année 2022, une année bien pourrie par de nombreux aspects. Heureusement que les salles de cinéma offraient encore, malgré le rouleau compresseur des plateformes de streaming (la série « Andor », dérivée de Star Wars, fut une excellente surprise), des poches d’oxygène. Et parmi les quelques films vus sur grand écran durant l’année passée, deux célébraient la musique, à savoir les documentaires ‘Moonage Daydream‘ sur David Bowie et ‘Ennio‘ sur le maestro italien. Deux expériences intenses en émotion face auxquelles les biopics ne peuvent tenir la route. Les images d’archives auront toujours plus de puissance que des comédiens déguisés. Surtout si elles sont diffusées en salle, voire carrément en Imax ! Du côté des fictions, pas mal de belles aventures vécues dans la ‘Nightmare Alley’ de Guillermo del Toro ou dans les zones les plus dangereuses de Gotham avec ‘The Batman’. Les Vikings ont déchaînés leur fureur volcanique dans ‘The Northman’, la guerre des sexes s’est déroulée dans l’étrange et verte campagne anglaise de ‘Men’, Franck Dubosc nous invitait à une ‘Rumba la vie’, Nicolas Cage confirmait ‘Un talent en or massif’, tandis que Michel Hazanavicius lançait son ‘Coupez !’ d’une seule traite (ou presque). Les spectateurs fatigués du multivers marvelien pouvaient enfin s’amuser dans l’attraction foraine ‘Everything everywhere all at once’ en compagnie de Michelle Yeoh et Jamie Lee Curtis, une Jamie Lee qui clouait (définitivement ?) le bec de Michael Myers dans ‘Halloween Ends’. Une traque haletante était lancée en ‘Novembre’, une autre débutait en Corée avec la guerre de l’ombre que se livrent les services secrets dans ‘Hunt’ (avant-première Etrange Festival), James Cameron nous équipait à nouveau de lunettes 3D pour revisiter Pandora avec la ressortie retravaillée de ‘Avatar’, suivi de sa suite océanique encore plus spectaculaire. Les festivals permettent de découvrir des oeuvres en avant-première, mais aussi de découvrir ou redécouvrir des films rares ou oubliés, tel que ‘Bienvenue, mister Chance’ (EF) de Hal Ashby (1980) avec un Peter Sellers exceptionnel. Avec tous ces titres, comment établir un classement ? Si on ne doit retenir que trois films, le choix se porte sur deux films iraniens qui reflètent le drame actuel d’une population massacrée par le pouvoir en place : ‘Les Nuits de Mashhad‘ de Ali Abbasi (révélation de l’actrice Zar Amir Ebrahimi) et ‘Leila et ses frères‘ de Saeed Roustaee. Et pour terminer, ajoutons le poignant ‘Les Bonnes Etoiles‘, comédie dramatique coréenne réalisée par le Japonais Kore-Eda Hirokazu.

En musique, beaucoup de découvertes d’hier et d’aujourd’hui, que ce soit en musiques de films (Morricone, Umiliani, Pisano, Picciano, Alessandroni, Ortolani, Cipriani, Nicolai…), pop-rock ou jazz. Mais nous retiendrons le premier album des jeunes Anglais PVABlush‘ et le projet ‘Profound Mysteries‘ en trois volumes de Röyskopp. Des sons très différents et complémentaires, pour toutes les humeurs, toutes les émotions de la vie.

(1975-director Just Jaeckin (C) posing with French actress Corinne Cléry (R) and Dutch actress Sylvia Kristel (L) for the Premier of his movie « Histoire d’O », on the Champs-Elysees avenue in Paris.)

Nos chers disparus. Quelques noms de personnalités parties en 2022 : Peter Bogdanovich, Sidney Poitier, Jean-Jacques Beinex, Hardy Krüger, Gaspard Ulliel, le dessinateur de Valérian et Laureline Jean-Claude Mézières, Monica Vitti, Douglas Trumbull (magicien de ‘2001, l’Odyssée de l’espace’, ‘Blade Runner’, ‘Rencontres du troisième type’, ‘Star Trek-le film’), Ivan Reitman, William Hurt, Michel Bouquet, Jacques Perrin, Vangelis, Ray Liotta (un Affranchi), Andrew Fletcher (Depeche Mode), Julee Cruise (résidente de Twin Peaks), Jean-Louis Trintignant, Peter Brook, James Caan (un affranchi de la famille Corleone), Wolfgang Petersen, Elizabeth II (patronne de James Bond), JLG (« si vous n’aimez pas le cinéma, allez vous faire foutre ! »), Irène Papas, Mylène Demongeot (Milady niçoise contre Fantomas et les Sorcières de Salem), Angelo Badalamenti (résident de Twin Peaks), Henry Silva, Just Jaeckin (‘Emmanuelle’, ‘Gwendoline’, ‘Histoire d’O’, ‘Madame Claude’, ‘l’Amant de Lady Chatterley’), Catherine Spaak (belle rencontre lors d’un ‘Week-end à Zuydcoote’, chez Argento et dans le cinéma italien), Fred Ward (il avait l’Etoffe des Héros), David Warner, Dominique Paturel, Alan Ladd Jr (producteur derrière ‘Star Wars’, ‘Alien’ et ‘Blade Runner’), Jimmy Wang Yu (bras armé de Chang Cheh et de la Shaw Brothers), Klaus Schulze (Tangerine Dream), Arno (« putain, putain, nous sommes tous des Européens ! »), Monty Norman (un thème bondien pour l’éternité), Paul Sorvino (encore un Affranchi, bizarre…), Nichelle Nicols (Uhura, officier de Starfleet à bord de l’USS Enterprise), Axel Jodorowsky (‘Santa Sangre’, fils d’Alejandro), Louise Fletcher, Angela Lansbury, Robbie Coltrane (gardien des clés à Poudlard), Jerry Lee Lewis (ami des pianos…), Nico Fidenco (compositeur italien des « Emanuelle », l’autre Emmanuelle interprétée par Laura Gemser que vénèrent tous les amateurs de cinéma bis), Albert Pyun, Ruggero Deodato (ami des vegans et des végétariens)… Quelques noms, beaucoup trop de noms. Ce qui est inquiétant, c’est lorsqu’on s’interroge pour savoir si la relève est assurée.

Une année s’en est allée, une autre a déjà commencé. A tous les visiteurs de ce blog, de ce monde ou d’un autre (un grand salut à GN-z11) : Bonne Année 2023 ! Et puisqu’un « commencement est un moment d’une délicatesse extrême » comme dirait la princesse Irulan, il convient de bien choisir ses premiers films, ses premières lectures et premières musiques pour ouvrir la nouvelle année. Pour ce qui est de la musique, il y a donc Iggy Pop. Pour les films, il y a par exemple le cycle « Superman » avec Christopher Reeve sur la chaîne TCM (avec les versions cinéma, tv et director’s cut des deux premiers volets disponibles en replay), ou bien encore la découverte d’un classique du cinéma italien, un chef d’oeuvre signé Vittorio De Sica avec l’une des plus belles femmes du monde, à savoir Sophia Loren. Ce film, c’est ‘La Ciociara-la paysanne aux pieds nus‘ (1960), drame racontant l’histoire d’une mère et sa fille fuyant Rome pendant la Seconde Guerre Mondiale, pour se réfugier dans une village à la campagne. A voir ou revoir sur la chaîne Ciné+Classic, avec entre autres Jean-Paul Belmondo et Raf Vallone.

Cannes 2022 – Episode 02 : un flic coréen et deux David

(photos festival : nicolas nsb)

Grosse journée que ce mardi 24. En effet, les films les plus attendus du Festival (pour ce qui concerne l’auteur de ces lignes) sont projetés ce jour même. La nuit a été courte mais il va falloir garder les yeux bien ouverts.

Decision to Leave‘ de Park Chan-wook (en compétition). Un inspecteur de police enquête sur la mort, en apparence accidentelle, d’un vieil homme tombé d’une falaise. Il était marié à une Chinoise qui ne laisse pas indifférent le fonctionnaire… Jeu de séduction et de manipulation ou bien attraction sincère ? On pense évidemment un peu à ‘Basic Instinct’, mais sans l’esprit délicieusement diabolique de Verhoeven. Car après le sadien ‘Mademoiselle‘, Park Chan-wook opte pour un romantisme noir où la communication et ses difficultés (la langue, les erreurs d’interprétation) joue un rôle essentiel. Si son intrigue n’a rien de surprenant, une fois encore il convient de saluer le formidable travail des chefs-opérateurs coréens (ici la lumière est de Kim Ji-yong), que ce soit chez l’auteur de ‘Old Boy‘ et ‘Lady Vengeance‘ ou d’autres cinéastes de la péninsule. Le film se permet par moment des plans audacieux qui provoquent un sourire complice, à d’autres c’est la beauté de l’instant qui saisit les spectateurs. Le manque de sommeil s’est malgré tout fait ressentir à une ou deux reprises.

Les Crimes du Futur‘ de David Cronenberg (en compétition). Retour très attendu du Canadien au cinéma. L’histoire : Saul Tenser (Viggo Mortensen) et son assistante Caprice (Léa Seydoux) sont des artistes radicaux pratiquant le body-art. Le corps humain est leur terrain d’exploration et d’expérimentation. Au cours de cérémonies/happenings, ils se livrent à des autopsies en direct, où l’intérieur du corps est exposé aux yeux de tous comme un nouveau territoire à parcourir. Aux limites de la légalité, Saul développe également de nouveaux organes. Il va croiser la route d’un groupe d’activistes qui eux poussent l’expérience bien plus loin que la performance artistique : changer la nature biologique humaine pour l’adapter à un monde pollué… David Cronenberg est ici chez lui, pratiquant l’auto-citation car on peut reconnaitre ici un peu d’ ‘eXistenZ’, là du ‘Faux-Semblants’, un lien avec ‘Chromosome 3’ et un clin d’oeil à ‘Vidéodrome’. L’histoire se déroule dans une zone indéfinie, une interzone dépeuplée et délabrée où s’affrontent différentes factions autour du devenir de l’humanité. ‘Le Festin Nu’, d’après William S. Burroughs, n’est pas loin. Il y a d’un côté les tenants du contrôle qu’incarne Saul et ses performances body-art, et il y a le chaos qu’annoncent une mystérieuse organisation orientée vers la mutation pure et simple du corps humain. Ce qui donnent à l’écran quelques scènes graphiques à la fois repoussantes et fascinantes, contrebalancées par d’autres où Léa Seydoux dévoile toute sa beauté naturelle. Mais cette mise en scène repose un peu/beaucoup sur les dialogues. Cronenberg privilégie le dépouillement (décors vides) et tend trop souvent à filmer ses personnages parlant adossés à un mur. Nous sommes en terrain connu et les familiers de Cronenberg peuvent même prévoir la fin dès les premières minutes du film. Les mauvaises langues disent que le Canadien ne fait plus que du cinéma pour les festivals, c’est à dire avec des prétentions intellectuelles qui s’adressent essentiellement à la critique. Ce n’est hélas pas faux, mais il serait injuste de rejeter ces ‘Crimes du Futur‘ qui demeure malgré tout de la science-fiction ambitieuse, qui fait réfléchir. Pour le simple divertissement, il y a les productions Disney/Marvel.

(Cineum, Cannes la Bocca)

Moonage Daydream‘ de Brett Morgen (hors compétition). Après un David (Cronenberg), place à un autre qui fut tout aussi intéressé par le devenir de l’humanité et la SF. Cette rêverie lunaire projetée sur un écran IMAX est un documentaire musical racontant David Bowie, et plus particulièrement les questionnements qui ont été les siens tout au long de sa carrière et de sa vie. Lui qui se définissait « bouddhiste le mardi, puis nietzschéen le vendredi » n’a cessé d’explorer différentes formes artistiques (musique, mime, théâtre, cinéma, peinture, sculpture, vidéo), se remettant en question continuellement. L’homme a suivi le même chemin dans sa vie privée, reconnaissant une fuite devant tout engagement affectif (rapport compliqué avec sa mère) : « ceux qui ont le plus besoin d’amour ne sont pas ceux qui savent le mieux en donner ». Ce film prend le temps d’approfondir son riche sujet (2h20). Il est constitué d’images d’archives et de sons puisés dans le fond qui gère l’héritage de Bowie. Un travail de montage impressionnant avec pour guide la voix du chanteur disparu en 2016, retraçant son évolution artistique en utilisant des extraits de concerts, des interviews et des images jamais vues jusqu’alors comme Bowie en voyage en Thaïlande, errant dans les rues, allant d’un bar de striptease à un temple bouddhiste. Une quête personnelle et spirituelle, autant intérieure qu’artistique qui ne cesse de marquer le public. On y trouve aussi bien ses succès que ses échecs, jusqu’à sa rencontre avec Iman, la femme de sa vie avec qui Bowie rencontra enfin la paix, l’artiste n’ayant plus peur de fonder un foyer tout en continuant de créer. Présent dans la salle, le réalisateur Brett Morgen déclara que son projet avait été pensé pour les salles IMAX. Et la projection dans une salle équipée dans ce format (Cineum à Cannes la Bocca) est effectivement une expérience impressionnante ! Les spectateurs sont projetés de façon idéale dans cette rêverie lunaire en sons et images. On imagine que le réalisateur s’est entretenu avec le projectionniste avant la séance pour lui demander de pousser le volume sonore. Un peu trop par moment, à la limite du douloureux. Un son puissant ne veut pas dire fort. Tout fan de David Bowie ou de musique rock mérite de découvrir ‘Moonage Daydream‘ sur un grand écran. Il faut donc espérer que HBO et Universal diffusent largement ce documentaire dans les salles du monde entier (dès septembre ?) plutôt que sur une plateforme de streaming.

(Cineum, Cannes la Bocca)

Disquaire Day/RSD 2022

L’évènement musical de ce week-end est bien entendu la nouvelle édition du Disquaire Day / Record Store Day. La fête des disquaires indépendants et du disque vinyle. Actualité oblige, il semble bien que les vinyles soient eux aussi fabriqués en Ukraine vu les prix affichés. Une poignée d’amateurs de musiques gravées sur microsillons était malgré tout présente ce matin devant le disquaire du coin. Ouverture des portes du temple et plongée dans les deux bacs réservés aux éditions spéciales. On pouvait constater rapidement que les deux E.P.s de Bowie étaient disponibles en quantité suffisante, en vinyle et même en CD. L’unique exemplaire de l’album de remixes de Blur a trouvé immédiatement un heureux acquéreur. Quoi d’autre ? Un coffret Elvis. Un maxi de Primal Scream et un autre de U2. Du Dire Straits. Du Gojira. Pas d’Ennio Morricone ni de Bruno Nicolai. Pas de bandes originales de films en fait, mis à part l’édition deluxe 2LP de ‘Blue Velvet‘ d’Angelo Badalamenti. Il s’agit en fait d’une sortie classique cette semaine pour la France (disponible partout), mais c’est un album inclus dans la liste du Record Store Day britannique et donc l’édition proposée chez nous comporte bien le sticker « RSD-2022 ». Autre édition recherchée et présente, le double ‘Live Seeds‘ (1992/1993) de Nick Cave & the Bad Seeds jamais édité en vinyle. Enfin, une petite pépite totalement inédite car réservée au RSD anglais : ‘Altered Reels‘ de Frankie Goes to Hollywood, soit un album de remixes (‘Relax’ et ‘Two Tribes’) de FGTH tout d’abord présent sur la liste du Disquaire Day français puis vite retiré sans explication. Merci aux collègues disquaires d’avoir écouté mes suggestions.

David Bowie : ‘Brilliant Adventure EP‘ maxi 4 titres 12″ (2 remixes et 2 live de la fabuleuse période « Outside » et « Earthling »), en complément du coffret sorti l’an dernier ‘Brilliant Adventure’. Disque vinyle noir, son et pressage excellents. La version live de ‘A small plot of land‘ (New York 1995) où Bowie chante juste accompagné de Mike Garson au piano est une merveille ! L’artiste s’adresse ensuite au public (on devine un enregistrement réalisé dans une salle de moyenne capacité, pas un stade) pour enchaîner sur ‘My Death’ (Jacques Brel), toujours accompagné au piano.

David Bowie : ‘Toy E.P. (you’ve got it made with all the toys)‘, maxi 6 titres 10″ (3 versions alternatives, 3 titres enregistrés en live entre 1999 et 2000). Complète l’album inédit ‘Toy’ paru dans le coffret ‘Brilliant Adventure’ ou disponible séparément. Vinyle noir, son et pressage excellents.

Angelo Badalamenti : ‘Blue Velvet‘ édition deluxe double vinyle de couleur bleu marbré, pochette ouvrante/gatefold, avec sous-pochettes illustrées de photos tirées du film de David Lynch. Son excellent et pressage sans défaut pour le premier disque, un peu de friture sur la face C du second disque mais ça devrait disparaitre après un nettoyage doux.

Frankie Goes to Hollywood : ‘Altered Reels‘ album paru en 1984 uniquement en cassette (sur le label ZTT ; aujourd’hui c’est Universal qui récupère les droits), proposant un programme mêlant remixes ou versions alternatives (‘Relax’, ‘Two Tribes’, ‘War’…) et interviews du groupe. Disque noir, son très bon et pressage sans défaut.

Nick Cave & the Bad Seeds : ‘Live Seeds‘ double vinyle rouge avec gravure sur la face D, pochette ouvrante/gatefold illustrée de photos de la tournée. Fantastique album live de Nick Cave et son gang déchaînés sur scène, enregistré en Europe et en Australie entre 1992 et 1993. Ca débute par une version sauvage de ‘The Mercy Seat’, pour enchainer sur ‘Deanna’, ‘Papa won’t leave you, Henry’, en passant par ‘Jack the Ripper’ et autre ‘John Finn’s wife’. Son et pressage excellents.

Le son du jour : « The man who sold the world »

David Bowie - Is it any wonder 12EP

Certains artistes restent irremplaçables. On y revient régulièrement, même après leur disparition, comme s’ils étaient toujours parmi nous. David Bowie est donc toujours présent, notamment grâce à des rééditions ou des découvertes dans ses nombreuses archives.

« Oh no, not me
I never lost control
You’re face to face
With the man who sold the world

I laughed and shook his hand
And made my way back home
I searched for form and land
For years and years I roamed
I gazed a gazely stare
At all the millions here
We must have died alone
A long long time ago »

The man who sold the world‘ est un des (nombreux) titres les plus connus de Bowie. Il est sorti en 1970 sur l’album du même nom et fut remis en lumière par Nirvana lors du fameux ‘MTV Unplugged in New York‘ (1993).

Le 20 mars prochain, un EP six titres sera publié, en vinyle et en cd, comportant la version réenregistrée par Brian Eno au moment de l’album ‘Outside‘ (1995). ‘Is it any wonder ?‘ semble pour l’instant être une exclusivité mondiale disponible uniquement sur le site officiel DavidBowie.com (20€+les frais d’envoi). 6000 disques vinyles et 4000 cd sont annoncés, à l’unité ou en packs avec sweet à capuche, T-shirt, casquette…

Scott Walker est mort

Scott Walker - 01

Grand nom de la musique, l’Américain Scott Walker vient de mourir à l’âge de 76 ans. Tout comme Mark Hollis (Talk Talk) lui aussi récemment disparu, Scott Walker a débuté au sein d’une formation qui rencontra un grand succès populaire (the Walker Brothers dans les années 1960), pour ensuite s’aventurer vers des contrées musicales inconnues. Parmi ses admirateurs : Bowie et Bashung. De crooner à explorateur des ténèbres, ses albums sont de plus en plus exigeants. Petit aperçu de son parcours en groupe, en solo, puis sa collaboration avec les métalleux Sunn O))) :

Scott Walker - 02

Scott Walker+SunnO - 01

Le son du soir : Bowie ‘Christiane F.’

David Bowie - Christiane F.-LP-a

     ‘Christiane F.‘ est un roman autobiographique glaçant qui décrit la descente d’une adolescente allemande dans l’enfer de la drogue et de la prostitution. En 1981, Uli Edel signera l’adaptation sur grand écran de ‘Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée…‘. Une expérience réaliste et terrifiante que beaucoup d’ados et de jeunes adultes ont lu ou vu. Idéal pour rester loin de ces saloperies ! Particulièrement sensible à ce sujet, David Bowie accepta d’apparaitre dans le film à l’occasion d’un concert auquel se rend la jeune fille et sa bande de copains des rues. Bowie se chargea également de la bande originale du film, une compilation de titres issus de sa fantastique période berlinoise (1976-1979). Parmi les titres connus tels que ‘V-2 Schneider‘, ‘Stay‘, ‘Station to Station‘ ou ‘Warszawa‘, on remarquera la version bilingue (anglais/allemand) de ‘Heroes‘.

David Bowie - Christiane F.-LP-b

David Bowie : ‘Christiane F. Wir Kinder Vom Bahnhof Zoo‘ vient d’être réédité en vinyle 180gr rouge. Son et pressage excellents, pochette intérieure imprimée avec des notes accompagnant chacun des neuf titres, en anglais sur une face, en allemand sur l’autre. Une édition limitée et exclusivement disponibles auprès de tous les bons disquaires (merci à Fifi et Ludo) !

David Bowie - Christiane F.-LP-red

Disquaire Day/RSD 2018 : Bowie à l’honneur

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Les disquaires indépendants, ces précieuses petites boutiques de quartier, on les aime toute l’année. Mais une fois par an ils sont mis en lumière lors du Record Store Day/Disquaire Day. Une manifestation qui a vu le jour d’abord aux USA et au Canada, puis en Grande-Bretagne, pour enfin s’installer en France et dans plusieurs pays d’Europe. L’occasion de découvrir en vinyle des éditions rares, des tirages limités ou rééditions exclusives à l’opération de nombreux artistes du monde entier et dans tous les styles de musique.

https://disquaireday.fr

https://recordstoreday.co.uk

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Hier 21 avril, les fans et les collectionneurs étaient donc à nouveau au rendez-vous pour trouver de précieuses pépites dans les bacs. Les prix sont un petit peu plus élevés que d’habitude, tout en restant raisonnables. Petite sélection :

David Bowie : le maxi 12″ de ‘Let’s Dance‘ avec la fameuse version demo et une version live.

David Bowie : ‘Now‘, compil’ US promo éditée en vinyle blanc regroupant des titres des albums remasterisés ‘Low‘ et ‘Heroes‘.

David Bowie : ‘Welcome to the blackout (live London ’78)‘, édition très convoitée car ces 3 vinyles (pochette ouvrante 3 volets) restituent les concerts anglais des 30 juin et 1e juillet 1978, à Earls Court, soit un précieux document live de la « période berlinoise ». Le son est très bon pour des enregistrements live de quarante ans et le pressage excellent.

Eurythmics : bande originale du film de Michael Radford ‘1984‘ en vinyle rouge tiré d’un nouveau master (coupon de téléchargement inclus), où l’on retrouve des titres inspirés par le roman de George Orwell. Si le film, au style très épuré, ne comporte qu’une poignée des compositions d’Annie Lennox et Dave Stewart, l’album entier est un régal qui se redécouvre comme à la première écoute. Un classique.

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(photos iPhone : Nicolas NSB-2018)

Son du jour : Bowie (live on french TV)

David Bowie - 1996-01

David Bowie en concert, programme idéal pour un week-end gris. Il s’agit de l’émission Taratata qui, en 1996, l’accueillait avec son groupe pour la sortie du formidable album ‘Outside‘. S’il faut se farcir le présentateur à l’ego un peu envahissant, Bowie, fin psychologue, a vite cerné l’individu et le remet gentiment en place. Reste la performance en direct, juste exceptionnelle et bien filmée. Un pur régal. Bon appétit.

David Bowie - 1996-02

David Bowie - Outside